• Pour la CGT, l'accord sur l'assurance-chômage sacrifie les droits des chômeurs

     Par LEXPRESS.fr avec AFP , publié le 05/04/2017 à 17:36 , mis à jour à 21:04
    La CGT refuse de signer l'accord sur l'assurance chômage. Il va causer "des baisses de 200 euros par mois" pour certains chômeurs, déplore-t-elle dans un communiqué le 5 avril.

    La CGT refuse de signer l'accord sur l'assurance chômage. Il va causer "des baisses de 200 euros par mois" pour certains chômeurs, déplore-t-elle dans un communiqué le 5 avril.

     

    afp.com/BERTRAND LANGLOIS

    Sans surprise, la CGT a annoncé, mercredi 5 avril, qu'elle ne signerait pas le récent accord pourtant validé par les quatre autres syndicats. Ses griefs sont nombreux.

    Personne ne s'attendait à ce qu'il en soit autrement. Mais les choses sont désormais confirmées. La CGT a officialisé, mercredi 5 avril, son refus de parapher l'accord sur l'assurance chômage obtenu entre partenaires sociaux le 28 mars dernier.  

    LIRE AUSSI >> Assurance chômage: "Il y aura des gagnants et des perdants" 

     
     

    Le syndicat n'a pas caché ni retenu ses critiques face au texte arraché in extremis par les négociateurs. "Le chantage du Medef, soutenu par certains candidats à la présidentielle, se traduit par un sacrifice des droits des privés d'emploi", écrit-il dans un communiqué. 

    "Une duperie sur les contrats courts"

    "Le sauvetage du paritarisme ne peut être le prétexte à la signature d'un texte contre les femmes, les travailleurs précaires et les seniors", poursuit le syndicat. Aux yeux de la CGT, il n'est "pas possible d'accepter un recul aussi important au seul bénéfice du patronat". 

     

    La CGT déplore notamment la nouvelle formule de calcul des allocations, qui va causer "des baisses de 200 euros par mois dans certains cas pour des salariés en CDD, en intérim ou à temps partiel". 

    LIRE AUSSI >> Accord sur l'assurance chômage : ce qui va changer pour les chômeurs 

    Elle dénonce également une "duperie sur les contrats courts". L'accord supprime progressivement la surtaxation de certains contrats précaires instaurée en 2013 et renvoie le sujet à "d'hypothétiques négociations" dans les branches professionnelles les plus utilisatrices de ce type de contrats. 

    Une convention en place pour trois ans

    L'accord du 28 mars, qui a recueilli les signatures de la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC, doit désormais être transcrit en convention par les services de l'Unédic, le gestionnaire de l'assurance chômage, avant d'être soumis à l'Etat pour agrément.  

    L'actuel gouvernement s'est dit prêt à valider l'accord, mais le dossier pourrait finir, pour une question de délais, entre les mains du futur président. 

    Censé entrer en vigueur au 1er septembre pour une durée de trois ans, l'accord modifie plusieurs paramètres de l'assurance chômage, comme le niveau de cotisations patronales, les conditions d'affiliation au régime, la formule de calcul des allocations et les règles d'indemnisation des seniors. 

     
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  •  Le chômage cache des réalités difficiles à identifier et à mesurer. En ce sens, le témoignage d'Émilie est aussi précieux qu'instructif...

    Ça veut dire quoi, concrètement, être au chômage ? Ceux qui ont la chance de n’avoir jamais connu cette situation n’en ont qu’une très vague idée. Quant à ceux qui vivent cet échec au quotidien, décrire et partager ce qu’ils ressentent et ce qu’ils endurent vraiment leur est presque mission impossible. D’où l’aspect infiniment précieux du témoignage bouleversant qui va suivre.

    Avec un bac+3 et son diplôme d’éducatrice spécialisée en poche, Émilie, 24 ans, pensait trouver un job sans grande difficulté, d’autant qu’elle avait en plus pris la peine de déménager dans une grande ville pour atteindre plus facilement cet objectif. Au lieu de ça, elle a enchaîné les désillusions, découvert la privation et mesuré le fossé d’incompréhension qui se creusait peu à peu entre elle et ses amis…

    Tout cela, Émilie l’a exprimé avec force et courage dans un témoignage à la fois sobre, authentique et bouleversant. Un document idéal pour ceux qui aimeraient connaître les coulisses de la vie d’un chômeur et pour tous ceux qui, privés de travail, aimeraient faire comprendre à leurs proches toute la douleur de leur situation…

    Regardez, l’émotion va crescendo et c’est très fort 

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  • Cout social du chômage pour les régions

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    La CGT a enquêté : « 1 offre d’emploi sur 2 est illégale sur pole-emploi.fr ! »

    LAURENCE MAURIAUCOURT
    MERCREDI, 1 MARS, 2017
    HUMANITE.FR

    La CGT a mené une enquête sur la qualité des offres diffusées sur le site de pole-emploi.fr. Le syndicat constate que 50,3% des offres mises à disposition des demandeurs d’emploi sont illégales. 

    Par communiqué, la CGT fait état d’une enquête menées sur les 1 298 offres répertoriées par le site pole-emploi.fr  en date du 17 février 2017. Quinze enquêteurs formés ont identifié  le caractère purement « illégal » de 653 de ces offres d’emploi.

    Une affirmation de taille qui vient jeter le trouble deux jours après la parution d’une analyse produite par Pôle emploi sur « la place du numérique dans la recherche de candidats par les employeurs », parue ce lundi.

    « De l’offre qui propose un commerce pour 880 000 euros à celle qui propose un CDI se révélant en fait n’être qu’un CDD de quelques jours, en passant par le coup de pub de l’agence d’emploi, il y a pléthore d’exemples  tout aussi révoltants les uns que les autres », s’insurge la CGT qui fournit deux exemples . « Le comble, c’est que ces offres sont considérées comme des offres « raisonnables » et qu’elles peuvent servir à radier les privés d’emploi », souligne le syndicat qui conseille à « certains candidats à l’élection présidentielle et au Medef « de regarder la légalité des offres avant de vouloir accentuer le contrôle et les radiations des demandeurs d’emploi » ! Dernière sortie en date sur ce thème, celle d’Emmanuel Macron. L’ex-ministre candidat à la présidentielle, prônant « le retour au travail » a en effet prévenu, s’il est élu : "Quelqu'un qui est au chômage pourra refuser une offre d'emploi si elle ne lui convient pas. En revanche, il ne pourra pas refuser la deuxième".

    A quelques jours de l'ouverture des négociations sur l'assurance chômage... 

    « Les demandeurs d’emploi, souvent décrits comme des fraudeurs, ne sont pas prêts de s’en sortir avec des offres d’emploi qui n’en sont pas. Sachant qu’un demandeur d’emploi sur deux n’est pas indemnisé », souffle la CGT, qui pointe la Direction Générale de Pôle emploi et la Ministre du Travail « largement au courant de cette situation », Myriam El Khomri ayant été « déjà interpellée lors des questions au gouvernement ».

    Cette enquête intervient à quelques jours de l’ouverture des négociations de l’assurance chômage. Pour la CGT, elle permet de confirmer que « les chômeurs ne sont en rien responsables de la situation catastrophique de l’emploi dans notre pays ». « En plus de la stigmatisation dont ils sont victimes, les demandeurs d’emploi subissent la double peine du chômage et des offres « bidons » qui s’ajoutent à la fermeture des agences de Pôle emploi l’après-midi et à la dématérialisation à outrance, mettant à mal le service public », contextualise encore le syndicat.

    La Confédération se positionne ainsi une nouvelle fois  « contre la liquidation du service public » et  « demande le retour à un contrôle des offres d’emploi effectué par des agents formés ». La mise en place de tels contrôles permettrait d’ailleurs de créer immédiatement 300 emplois !

    La CGT en profite pour encourager les agents de Pôle emploi, arguant qu’ils ont « raison de vouloir redonner tout son sens au service public, en étant dans la lutte le 6 mars 2017 ».

    Journaliste

     

     

     

     

    http://www.humanite.fr/la-cgt-enquete-1-offre-demploi-sur-2-est-illegale-sur-pole-emploi-fr-632813

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    Le modèle qui inspire Emmanuel Macron

    L’enfer du miracle allemand

     

    La population allemande, appelée aux urnes le 24 septembre, n’a jamais compté aussi peu de demandeurs d’emploi. Ni autant de précaires. Le démantèlement de la protection sociale au milieu des années 2000 a converti les chômeurs en travailleurs pauvres. Ces réformes inspirent la refonte du code du travail que le gouvernement français cherche à imposer par ordonnances.

     

     

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    Bernd Arnold. – « Le Portail », de la série « Black East Wild West », 2009.
    Les portails de la cathédrale de Cologne côté ouest sont le lieu du passage du laïque au sacré ; sur le gobelet, « begehrt » signifie « désiré ». © Bernd Arnold

     

    Huit heures : le Jobcenter du quartier berlinois de Pankow vient à peine d’ouvrir ses grilles que déjà une quinzaine de personnes s’alignent devant le guichet d’accueil, enfermées chacune dans un cocon de silence anxieux. « Pourquoi je suis ici ? Parce que, si tu ne réponds pas à leurs convocations, ils te retirent le peu qu’ils te donnent, grommelle un quinquagénaire à voix basse. De toute façon, ils n’ont rien à proposer. À part peut-être un boulot de vendeur de caleçons à clous, qui sait. » L’allusion lui arrache un maigre sourire. Il y a un mois, une mère isolée de 36 ans, éducatrice au chômage, a reçu un courrier du Jobcenter de Pankow l’invitant, sous peine de sanctions, à postuler pour un emploi d’agente commerciale dans un sex-shop. « J’en ai vu de toutes les couleurs avec mon Jobcenter, mais, là, c’est le pompon », a réagi l’intéressée sur Internet, avant d’annoncer son intention de porter plainte pour abus de pouvoir.

     

    À l’extérieur, sur le parking de la barre de logements sociaux, la « cellule de soutien mobile » du centre des chômeurs de Berlin est déjà à pied d’œuvre. Sur une table pliante installée devant le minibus de l’équipe, Mme Nora Freitag, 30 ans, dispose une pile de brochures intitulées « Comment défendre mes droits face au Jobcenter. » « Cette initiative a été montée en 2007 par l’Église protestante. Il y a beaucoup de détresse, beaucoup d’impuissance, aussi, devant ce monstre bureaucratique que les chômeurs perçoivent non sans raison comme une menace. »

     

    Une dame, la soixantaine bien sonnée, s’approche d’un pas hésitant. Elle paraît affreusement gênée de s’afficher devant des inconnus. Sa retraite inférieure à 500 euros par mois ne lui suffisant pas pour vivre, elle touche un complément versé par son Jobcenter. Comme elle peine toujours à joindre les deux bouts, elle exerce depuis peu un emploi précaire à temps partiel (« minijob ») de femme de ménage dans un centre de soins, qui lui assure un salaire net mensuel de 340 euros. « Rendez-vous compte, dit-elle d’une petite voix affolée, la lettre du Jobcenter m’annonce que je ne lui ai pas déclaré mes revenus et que je dois rembourser 250 euros. Mais cet argent, je ne l’ai pas ! En plus, je les ai déclarés dès le premier jour, mes revenus, vous pensez bien. Il doit y avoir une erreur… » Un membre de l’équipe l’entraîne par le coude pour lui prodiguer ses conseils à l’écart : à qui adresser un recours, à quelle porte frapper pour porter plainte si le recours n’aboutit pas, etc. Parfois, le minibus sert de refuge pour traiter d’un problème à l’abri des regards. « C’est l’un des effets de Hartz IV, observe Mme Freitag. La stigmatisation des chômeurs est si prégnante que beaucoup éprouvent de la honte à seulement évoquer leur situation devant d’autres. »

     

    Un des régimes les plus coercitifs d’Europe

     

    Hartz IV : ce marquage social découle du processus de dérégulation du marché du travail, dit Agenda 2010, mis en place entre 2003 et 2005 par la coalition Parti social-démocrate (SPD) - Verts du chancelier Gerhard Schröder. Baptisé du nom de son concepteur, M. Peter Hartz, ancien directeur du personnel de Volkswagen, le quatrième et dernier volet de ces réformes fusionne les aides sociales et les indemnités des chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus d’un an) en une allocation forfaitaire unique, versée par le Jobcenter. Le montant étriqué de cette enveloppe — 409 euros par mois en 2017 pour une personne seule (1) — est censé motiver l’allocataire, rebaptisé « client », à trouver ou à reprendre au plus vite un emploi, aussi mal rémunéré et peu conforme à ses attentes ou à ses compétences soit-il. Son attribution est conditionnée à un régime de contrôle parmi les plus coercitifs d’Europe.

     

    Fin 2016, le filet Hartz IV englobait près de 6 millions de personnes, dont 2,6 millions de chômeurs officiels, 1,7 million de non officiels sortis des statistiques par la trappe des « dispositifs d’activation » (formations, « coaching », jobs à 1 euro, minijobs, etc.) et 1,6 million d’enfants d’allocataires. Dans une société structurée par le culte du travail, elles sont souvent dépeintes comme un repoussoir ou une congrégation d’oisifs et parfois pis. En 2005, on pouvait lire dans une brochure du ministère de l’économie, préfacée par le ministre Wolfgang Clement (SPD) et intitulée « Priorité aux personnes honnêtes. Contre les abus, les fraudes et le self-service dans l’État social » : « Les biologistes s’accordent à utiliser le terme “parasites” pour désigner les organismes qui subviennent à leurs besoins alimentaires aux dépens d’autres êtres vivants. Bien entendu, il serait totalement déplacé d’étendre des notions issues du monde animal aux êtres humains. » Et, bien entendu, l’expression « parasite Hartz IV » fut abondamment reprise par la presse de caniveau, Bild en tête.

     

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    © Bernd Arnold

     

    La vie des allocataires est un sport de combat. Leur minimum vital ne leur permettant pas de s’acquitter d’un loyer, le Jobcenter prend celui-ci en charge, à la condition qu’il ne dépasse pas le plafond fixé par l’administration selon les zones géographiques. « Un tiers des personnes qui viennent nous voir le font pour des problèmes de logement, déclare Mme Freitag. Le plus souvent parce que l’envolée des loyers dans les grandes villes, notamment à Berlin, les a fait sortir des clous du Jobcenter. Elles doivent soit déménager, mais sans savoir où, car le marché locatif est saturé, soit régler la différence de leur poche en rognant sur leur budget alimentaire. » Sur les 500 000 « Hartz IV » vivant à Berlin, 40 % paieraient un loyer qui excède la limite réglementaire.

     

    Le Jobcenter peut aussi débloquer au compte-gouttes des aides d’urgence. Cela lui confère un droit de regard qui s’apparente presque à un placement sous curatelle. Compte en banque, achats, déplacements, vie familiale ou même amoureuse : aucun aspect de la vie privée n’échappe à l’humiliant radar des contrôleurs. Les 408 agences du pays disposant d’une marge d’initiative, certaines débordent d’imagination. Fin 2016, par exemple, le Jobcenter de Stade, en Basse-Saxe, a adressé un questionnaire à une chômeuse célibataire enceinte la priant de divulguer l’identité et la date de naissance de ses partenaires sexuels (2).

     

    Par sa philosophie, ce régime inquisitorial se trouvait déjà en germe dans le manifeste signé en juin 1999 par M. Schröder et son homologue britannique Anthony Blair. Les deux prophètes de la « social-démocratie moderne » y proclamaient la nécessité de « transformer le filet de sécurité des acquis sociaux en un tremplin vers la responsabilité individuelle ». Car, précisait ce texte intitulé « Europe : la troisième voie, le nouveau centre », « un travail à temps partiel ou un emploi faiblement rémunéré valent mieux que pas de travail du tout, parce qu’ils facilitent la transition du chômage vers l’emploi ». Un pauvre qui sue plutôt qu’un pauvre qui chôme : cette vérité de café du commerce a servi de matrice idéologique à la « césure sans doute la plus importante dans l’histoire de l’État social allemand depuis Bismarck », selon la formule de Christoph Butterwegge, chercheur en sciences sociales à l’université de Cologne (3).

     

    En France, les lois Hartz constituent depuis douze ans une source inépuisable de ravissement dans les cercles patronaux, médiatiques et politiques. L’ode rituelle au « modèle allemand » a encore gagné en puissance depuis l’arrivée à l’Élysée de M. Emmanuel Macron, pour qui « l’Allemagne a formidablement réformé (4)  ». Un point de vue rarement contesté par les éditorialistes. « Le chancelier allemand Gerhard Schröder est passé en force pour imposer les réformes qui font la prospérité de son pays », a rappelé le directeur éditorial du Monde au lendemain de l’élection du candidat de la « start-up nation », pour l’exhorter à faire montre d’une poigne de fer dans ses propres réformes (5). L’économiste Pierre Cahuc, inspirateur avec Marc Ferracci et Philippe Aghion de la refonte du marché de l’emploi imaginée par M. Macron, salue lui aussi « l’exceptionnelle réussite de l’économie allemande ». Il estime que Hartz IV, non seulement « c’est mieux pour l’emploi », mais c’est préférable aussi pour diffuser la joie et la bonne humeur, puisque « les Allemands se déclarent de plus en plus satisfaits de leur situation, surtout les plus modestes, alors que la satisfaction des Français stagne » (6).

     

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    © Bernd Arnold

     

    Si « les plus modestes » parviennent encore à contenir leur allégresse dans les files d’attente des Jobcenters, il n’est pas contestable que les projets de M. Macron s’inspirent en ligne directe du « modèle allemand ». Notamment l’évidage du code du travail et le renforcement du contrôle des chômeurs, qui se verraient sanctionnés en cas de refus de deux propositions d’emploi successives. Nul n’a su mieux résumer l’esprit de Hartz IV que le président français lorsqu’il a expliqué le 3 juillet, devant le Parlement convoqué à Versailles, que « protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en assistés permanents de l’État », mais leur donner les moyens de — et éventuellement les obliger à — « peser efficacement sur leur destin ». En une acrobatie verbale proche de celles effectuées naguère par les promoteurs de Hartz IV, il ajoutait : « Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale (...) une vraie politique de l’inclusion de tous. » Pour M. Schröder, le mot d’ordre à l’encontre des pauvres était plus lapidaire : « Encourager et exiger »  fördern und fordern »).

     

    D’ailleurs, M. Hartz ne s’y est pas trompé. En France, l’artisan des lois qui portent son nom continue de jouir d’une réputation flatteuse. En Allemagne, on n’a pas oublié sa condamnation, en 2007, à deux ans de prison avec sursis et à 500 000 euros d’amende pour avoir « acheté la paix sociale » chez Volkswagen en arrosant des membres du comité d’entreprise de pots-de-vin, de voyages sous les tropiques et de prestations de prostituées. De sorte que plus personne ne veut entendre parler de lui. Pour trouver un auditoire toujours disposé à l’applaudir, l’ex-directeur des ressources humaines se réfugie en France. Le Mouvement des entreprises de France (Medef) l’invite régulièrement, et M. François Hollande, qui l’a reçu lorsqu’il était président, aurait songé à l’inclure parmi ses conseillers (7). C’est désormais à M. Macron qu’il réserve ses oracles, par presse interposée (8).

     

    M. Hartz n’a pourtant joué qu’un rôle de second plan dans l’avènement des réformes Schröder. Il a certes présidé la commission dont les travaux ont servi de socle aux réformes, mais c’est surtout la Fondation Bertelsmann qui a orchestré les opérations. L’œuvre « philanthropique » du groupe de médias et d’édition le plus influent d’Allemagne a été au cœur du processus d’élaboration de l’Agenda 2010 : financement d’expertises et de conférences, diffusion d’argumentaires auprès des journalistes, mise en réseau des « bonnes volontés ». « Sans le travail de préparation, d’accompagnement et d’après-vente déployé à tous les niveaux par la Fondation Bertelsmann, les propositions de la commission Hartz et leur traduction législative n’auraient jamais pu voir le jour », observe Helga Spindler, professeure en droit public à l’université de Duisburg (9). La fondation ira même jusqu’à convier les quinze membres de la commission à des voyages d’études dans cinq pays considérés comme avant-gardistes en matière de valorisation du stock de chômeurs : le Danemark, la Suisse, les Pays-Bas, l’Autriche et le Royaume-Uni (10).

     

    Des emplois réguliers transformés en postes précaires

     

    Le 16 août 2002, M. Hartz remet ses conclusions à M. Schröder sous la coupole de la cathédrale française de Berlin. C’est un « grand jour pour les chômeurs », exulte le chancelier, qui promet d’en remettre deux millions au travail d’ici deux ans. Lourd de 344 pages, le rapport de la commission comprend treize « modules d’innovation » rédigés dans un patois managérial à base d’« engleutsch » (mélange d’allemand et d’anglais) où fourmillent des expressions comme « controlling », « change management », « bridge system pour actifs âgés », « nouvelle corvéabilité et volontariat »... Le Jobcenter y est décrit comme un « service amélioré pour les clients ».

     

    Entré en vigueur le 1er janvier 2005, le régime issu de cette antilangue vient s’imbriquer dans l’autre « paquet » de l’Agenda 2010, qui orchestre la dérégulation du marché du travail. Enfourner les chômeurs dans l’entonnoir salarial imposait de forger un large attirail d’outils à destination des employeurs : défiscalisation des bas salaires, lancement des minijobs à 400, puis 450 euros par mois, déplafonnement du recours au travail temporaire, subventions aux agences d’intérim faisant appel à des chômeurs de longue durée, etc. La fièvre de l’or s’empare des entrepreneurs, en particulier dans l’industrie des services. Ravitaillés en troupes fraîches par les Jobcenters, ils profitent de l’aubaine pour transformer des emplois réguliers en postes précaires — libre à ceux qui les occupent de faire à leur tour la queue au Jobcenter pour compléter leur petite paie. L’intérim explose, passant de 300 000 recrues en 2000 à près d’un million en 2016. Dans le même temps, la proportion des travailleurs pauvres — rémunérés au-dessous de 979 euros par mois — passe de 18 à 22 %. La création en 2015 du salaire minimum, fixé à 8,84 euros de l’heure en 2017, n’a guère inversé la tendance : 4,7 millions d’actifs survivent aujourd’hui encore avec un minijob plafonné à 450 euros par mois (11). L’Allemagne a converti ses chômeurs en nécessiteux.

     

    Les enfants convoqués au Jobcenter

     

    Hartz IV fonctionne à la manière d’un service du travail précaire obligatoire. Les menaces de sanctions qui pèsent sur le « client » le tiennent en permanence à la merci d’un guet-apens. M. Jürgen Köhler, un Berlinois de 63 ans, exerce en temps normal le métier de graphiste indépendant. Confronté à la concurrence de gros cabinets qui cassent les prix, il ne reçoit plus assez de commandes pour en vivre et s’est donc inscrit au Jobcenter. « Un jour, raconte-t-il devant un café, un courrier m’annonce que je dois me présenter le lundi et le mardi suivants à 4 heures du matin aux portes d’une agence d’intérim pour être affecté sur un chantier et toucher ma paie le soir même. Et que je dois me munir d’une paire de chaussures de sécurité. Évidemment, je ne possède pas ce genre d’équipement et je n’ai jamais travaillé dans le bâtiment. Commencer à mon âge ne me paraissait pas une bonne idée. » Les délais étant, comme souvent, trop brefs pour tenter un recours, M. Köhler n’a d’autre choix que de contester la mesure devant les tribunaux, en espérant que son affaire sera jugée avant que ne tombe le couperet de la sanction, qui risque d’amputer ses subsides de 10 %, 30 % ou même 100 %. Nul n’est à l’abri du hachoir, pas même les enfants d’allocataires Hartz IV âgés de 15 à 18 ans : en échange de leurs 311 euros mensuels versés au budget de la famille, et même s’ils vont encore à l’école, le Jobcenter peut les convoquer à tout moment pour leur « conseiller » de s’orienter vers tel ou tel secteur sous tension et leur couper les vivres s’ils ratent un rendez-vous. Effet pédagogique garanti sur l’adolescent qui porte déjà « Hartz IV » tatoué sur le front.

     

    Membre du groupe des chômeurs de Ver.di, le syndicat unifié des services, M. Köhler a pu disposer d’un avocat gratuit et obtenir à temps une décision favorable. Tous n’ont pas cette chance. Près d’un million de sanctions ont été prononcées en 2016, avec une ponction moyenne de 108 euros par tête — un gain non négligeable pour l’Agence fédérale du travail, autorité de tutelle des Jobcenters. La même année, ces derniers ont fait l’objet de 121 000 plaintes, rejetées dans 60 % des cas. « Les sanctions vous tombent dessus pour des motifs si absurdes qu’on a des chances de gagner si l’on s’y prend bien, explique M. Köhler. Mais la majorité des chômeurs ne sont pas informés de leurs droits et se défendent mal ; la plupart ne se défendent même pas du tout. »

     

    Il n’en a pas toujours été ainsi. En 2003 et 2004, des dizaines de milliers de chômeurs et de salariés défilaient spontanément chaque lundi dans plusieurs villes d’Allemagne pour faire barrage aux réformes Schröder. Implanté surtout dans l’Est, où ses slogans faisaient ouvertement référence aux « manifestations du lundi » de l’automne 1989 contre le pouvoir, le mouvement avait rapidement essaimé dans l’Ouest, prenant au dépourvu les appareils syndicaux, peu enclins à lui emboîter le pas. « Les syndicats ont beaucoup tergiversé, admet M. Ralf Krämer, secrétaire fédéral de Ver.di chargé des questions économiques. Leur position était d’autant plus ambiguë que deux de leurs représentants avaient participé à la commission Hartz, l’un du DGB [Confédération allemande des syndicats], l’autre de chez nous. » Outre les deux syndicalistes, la commission Hartz comprenait deux élus, deux universitaires, un haut fonctionnaire et sept « top managers », dont ceux de la Deutsche Bank, du groupe chimique BASF et du cabinet de conseil McKinsey. « Le mouvement syndical en Allemagne est traditionnellement proche du SPD, poursuit M. Krämer. À l’évidence, les réformes Schröder n’ont pu s’imposer que parce que le gouvernement était social-démocrate, sans quoi la résistance aurait été beaucoup plus forte. »

     

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    © Bernd Arnold

     

    En novembre 2003, à la stupéfaction générale, une manifestation organisée hors des appareils syndicaux rassemble cent mille personnes à Berlin. « De nombreux syndicalistes étaient présents, dont moi-même, car chez Ver.di la base avait compris que ces réformes ne visaient qu’à favoriser le marché des bas salaires, poursuit M. Krämer. Mais la direction du DGB a traîné les pieds. » Cinq mois plus tard, de nouvelles manifestations à Berlin, Stuttgart et Cologne font descendre dans la rue un demi-million d’opposants : du jamais-vu dans le pays depuis l’après-guerre. Cette fois, les directions syndicales défilent en tête de cortège. « On aurait peut-être pu gagner si la dynamique s’était poursuivie, déplore M. Krämer. Mais le DGB a eu peur de perdre le contrôle et s’est abstenu d’appeler à d’autres mobilisations. Les “manifestations du lundi” se sont retrouvées isolées, et le mouvement s’est éteint. On a raté une occasion historique. Il faut dire que la confrontation ne fait pas partie de la culture syndicale allemande. Ce n’est pas dans nos usages de contester les décisions d’un gouvernement démocratiquement élu, bien que, à titre personnel, je le regrette. »

     

    Curieusement, cet échec n’a pas incité les syndicats à réfléchir à un changement de stratégie. Chez Ver.di pas plus qu’au DGB — dont Ver.di fait partie, mais où les syndicats de la métallurgie et de la chimie sont en position de force — les dirigeants n’ont jugé utile d’ouvrir un débat sur l’illégalité des grèves « politiques », cette curiosité du droit allemand qui interdit aux syndicats d’appeler au débrayage contre des lois jugées néfastes aux intérêts des salariés. « Grève générale » ? L’expression provoque un haussement de sourcils chez M. Mehrdad Payandeh, membre du comité directeur fédéral du DGB, chargé des questions économiques. « Pour nous, une grève n’a de sens que si nous échouons à négocier des augmentations de salaire dans les secteurs où nous sommes représentés. Cela arrive rarement. Notre légitimité, ce sont nos adhérents, pas la rue. On n’est pas comme ces pays du Sud où les gens font grève pour trois fois rien ! »

     

    À sa manière volubile et chaleureuse, M. Payandeh incarne assez bien la culture syndicale décrite par M. Krämer. L’homme du DGB prête davantage d’attention aux patrons qu’il connaît et dont il loue la « capacité à coopérer avec les syndicats », qu’aux chômeurs Hartz IV ou aux forçats du travail précaire, relégués hors de son périmètre. « Bien sûr que je suis contre les sanctions Hartz IV et la précarité, se récrie-t-il. Mais les lois votées par le Bundestag ne sont pas de notre ressort. Le but, pour nous, c’est de défendre nos salariés dans les accords de branche. » À ceci près que de tels accords n’existent guère que dans les secteurs de la métallurgie et de la chimie, à l’ombre desquels la toute-puissante industrie des services absorbe une main-d’œuvre de plus en plus corvéable et de moins en moins protégée.

    Les luttes contre les lois Hartz n’en ont pas moins laissé une trace profonde dans le pays. Elles ont considérablement affaibli le SPD, toujours chancelant après la saignée des quelque 200 000 adhérents qui ont pris le large depuis 2003. Mais elles ont aussi remodelé le paysage politique en poussant une partie des dissidents du parti de M. Schröder à fusionner en 2005 avec les néocommunistes du Parti du socialisme démocratique (PDS) pour créer Die Linke (La Gauche), aujourd’hui seule formation représentée au Bundestag à plaider pour l’abrogation des lois Hartz. Elles ont aussi forgé un vaste réseau de groupes de chômeurs résolus à se faire entendre par des actions d’entraide et d’autodéfense — à l’image du collectif Basta, implanté dans le quartier populaire de Wedding, à Berlin, qui organise régulièrement des visites pugnaces dans les Jobcenters

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  • pour que le pôle emploi de Bagnole-sur rétablisse dans ses droits Mounia El Badraoui

    Mounia El Badraoui affirme s'être présentée, le 17 octobre à la convocation de Pôle emploi, à Bagnols, pour un entretien de suivi. Cette ex-coiffeuse vient pourtant de se faire radier au motif qu'elle n'a pas honoré son rendez-vous... du 17 octobre.

    Ma conseillère m'a bel et bien reçue ce jour-là. On s'est vues en tête à tête”, insiste la plaignante.

    Mounia El Badraoui est en recherche d'emploi depuis un an. “J'ai déjà subi une radiation sans raison”, affirme-t-elle. Un parcours difficile pour la jeune femme - elle a 26 ans - qui, semble-t-il, peine à trouver un poste correspondant à son profil. “J'étais intéressée par une formation en radioprotection via le GIEC (*) Industrie”. 

    Des aléas qui, sans doute, sont pour beaucoup dans les incompréhensions qui ont compliqué la relation entre la jeune femme et Pôle emploi. “Les seules offres d'emplois qu'on m'envoie n'ont aucun rapport avec mes compétences. 

    On me demande de postuler comme agent de sécurité la nuit, dans la pose de climatisation ou dans la chaudronnerie. On m'adresse même des offres pour être conductrice de bus de voyage Espagne Italie”. Aujourd'hui, Mounia El Badraoui touche le RSA, le revenu de solidarité active.  

    ENSEMBLES ARRÊTONS CES ABUS D'AUTORITÉ DRAMATIQUES DU PÔLE EMPLOI QUI S'arroge le droit d'être juge et parti , se transforme en tribunal d'exception alors que les Directeur et trice d'agence n'ont qu'une délégation de pouvoir de la préfecture . Le plaignant en l'occurrence  le ou la  demandeur d'emploi n'a même pas le droit a un avocat . Seul un tribunal administratif devrait avoir ce pouvoir les ABUS sont par milliers . DITES AVEC NOUS et que ce cas soit exemplaire ,signons la fin des executions sommaires des demandeurs d'emploi .

    MERCI . Debuire Renaud 

     
    Cette pétition sera remise à:
    • Ministère du travail et de l'emploi

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  • « Pôle Emploi, c’est vraiment devenu une machine de guerre »

    samedi 18 novembre 2017 
    popularité : 1%

    Par Nolwenn Weiler

    Ils sont près de 40 000 conseillers à suivre, au quotidien, les six millions de chômeurs inscrits au Pôle Emploi. Mais ces agents, dont le métier évolue sans cesse au gré des décisions politiques, ne savent plus trop où ils en sont. Sommés de faire du chiffre sans en avoir les moyens, souvent au détriment du respect des Droits des usagers, beaucoup s’interrogent sur le sens de leur travail, quand ils ne sont pas purement et simplement en grande souffrance. Bastamag les a rencontrés.


    « Hier soir quand j’ai quitté le travail, il y avait 200 mails en attente dans ma boîte, soupire Maya, conseillère au Pôle Emploi à Rennes. Je suis censée répondre en 48 heures. Comment faire ? C’est impossible. Les demandeurs d’emploi s’impatientent, évidemment. Et je les comprends ! Plus le temps passe, moins les choses vont bien au Pôle Emploi. » Arrivée en 2009, au moment de la fusion Assedics/ANPE qui donne naissance à Pôle Emploi, Maya voit le sens de son travail lui échapper peu à peu. Pour elle, la dématérialisation, qui contraint les demandeurs d’emploi à s’inscrire par internet depuis début 2016, résume la politique globale de l’établissement : une mise à distance sans cesse renforcée des usagers, et plus particulièrement des plus vulnérables. « Comment font les gens qui n’ont pas d’Iphone ou de tablette ? Ou qui ne sont tout simplement pas à l’aise avec les nouvelles technologies ? C’est vite vu, ils ne s’inscrivent pas. » « On taille l’offre sur mesure pour les plus employables, et les autres, on les laisse sur le bord du chemin, voire on les pousse dans le fossé, enfonce Claude. [1] Pôle Emploi, c’est vraiment devenu une machine de guerre. »

    Des usagers pénalisés

    Leur point de vue tranche avec l’enthousiasme du service statistiques de Pôle Emploi, qui assure dans son bulletin de septembre que « la dématérialisation de l’inscription à Pôle Emploi a des effets positifs sur la qualité de la prise en charge des demandeurs ». La dématérialisation serait en fait à l’origine de beaucoup d’erreurs, que les agents passent un temps fou à corriger, alors que le système était censé leur faire gagner en efficacité. « Les gens ne se rendent pas toujours compte que c’est important de remplir très précisément leurs dossiers pour être correctement indemnisés, se désole Aurélie. Certains sont pénalisés, parce que les informations qu’ils donnent ne permettent pas de leur ouvrir des Droits. » « Le moment de l’inscription est crucial pour ne pas se mettre en situation difficile », explique Ahmed. « Préciser que l’on recherche un emploi à 20 km au lieu de 50, illustre Claude, évite d’avoir à accepter un job qui ne correspond pas à son profil, à 1h30 de voiture en hiver, parce que c’est à 50 km mais qu’il faut passer par des petites routes ! » Cette interaction avec des conseillers à l’écoute, réalistes et soucieux du respect des Droits élémentaires, ne peut être remplacée par les ordinateurs. « Quand nous ne serons plus là pour passer derrière les sous-traitants qui saisissent les bulletins de salaire, ce sera pareil, ajoute Sylvie. Plus personne n’interviendra pour réparer leurs erreurs, comme des revenus mal renseignés, des lignes manquantes, des primes inclues au salaire, etc. Ces informations sont très importantes pour que les Droits à l’indemnisation soient respectés. »

    Consignes incohérentes

    À Pôle Emploi comme ailleurs, le management impose des règles et des consignes changeantes, sans que les salariés ne comprennent toujours pourquoi. « L’année dernière, se rappelle Dominique, il fallait pousser les gens à faire des formations, même si ce n’était pas leur projet. Et puis tout d’un coup, on arrête tout, même pour celles et ceux qui voulaient continuer. Ça n’a ni queue ni tête ! » « On se retrouve à dire oui à quelqu’un pour un dossier de formation, poursuit Céline. Puis, finalement, c’est non. Ou inversement. C’est très perturbant. On a l’impression d’être nuls. » La nouvelle convention, qui impose de nouveaux modes de calcul des Droits à compter de ce 1er novembre, n’augure rien de rassurant... « J’ai eu une journée de formation. Je n’ai rien compris, et je suis incapable de fournir des informations satisfaisantes aux bénéficiaires », se désole Dominique. « L’outil informatique n’est pas opérationnel », dénonce Sylvie. « Il va y avoir des bugs et des ratés. On va s’arracher les cheveux », prévoit Aurélie. « J’ai mal à mon boulot, souffle Maya. Parce que derrière, il y a du monde. Des gens, des vrais. Quand ils débarquent dans mon bureau pour un trop perçu, à cause d’une erreur de nos services, et qu’ils me disent : "combien de temps m’accordez vous pour rembourser ?", j’ai envie de m’enfuir. Sincèrement, je n’ai pas signé pour faire ça. » Autre exemple : Céline, qui a repris l’année dernière suite à un congé parental, voit régulièrement des conseillers en pleurs aux cours des réunions. « Ils ont l’impression de laisser tomber les demandeurs, de ne plus faire leur travail de soutien. C’est très dur. » [2]

    « Une organisation du travail maltraitante »

    À cette perte de sens s’ajoute une pression continue de la hiérarchie : « À Pôle Emploi, le temps de travail réglementaire, c’est 37h30 par semaine, précise Dominique. Mais il arrive que des collègues pointent en fin de journée, mais restent ensuite au bureau pour finir leurs dossiers. » Entrée à Pôle Emploi en 2012, Dominique touche 1 500 euros nets par mois. Claude, arrivée 10 ans plus tôt, touche 1 700 euros nets. « La direction a mis en place des entretiens individuels. Ceux et celles qui haussent un peu le ton face aux consignes se font convoquer, et remonter les bretelles », rapporte Aurélie. « Je vois régulièrement des gens sortir en pleurs de leurs entretiens individuels, s’insurge Dominique. Franchement, mais on est où ? » « On n’a pas plus le temps d’évoquer la misère de ceux et celles que l’on croise dans nos bureaux, tous les jours, et qui va croissante », regrette Claude, qui dit n’avoir jamais vu autant de gens pleurer. Confrontés à cette détresse, certains agents se « blindent », voire adoptent le discours très en vogue des chômeurs « feignants ». « Quand les gens sont trop atteints, ils se protègent comme ils peuvent » estime Céline, qui parvient à prendre du recul grâce aux échanges qu’elle maintient en dehors du travail avec ses amies et ses collègues. « La vie syndicale nous aide aussi à mettre de la distance, complète Aurélie. On réfléchit. Et on comprend, ensemble, que nous avons affaire à une organisation du travail maltraitante. »

    « Radier, c’est le but en fait »

    Ces moments d’échanges collectifs les aident à tenir le coup, à s’adapter. « Quand je vois arriver dans mon bureau des salariés de 58 ans cassés par leur travail, et qui viennent juste d’être licenciés, je vois rouge, dit Claude. Quelle honte de licencier ces gens. Que voulez-vous que je leur retrouve comme boulot ? Alors je les laisse tranquilles. » Charlotte laisse la porte ouverte, l’après midi, alors que l’accueil est censé être réservé à ceux qui ont pris rendez-vous. Sylvie force parfois le logiciel, tandis qu’Aurélie valide des dossiers sans attestation d’employeur ou débloque les dossiers d’autres agences, alors qu’elle n’a pas le droit de le faire. « Personne ne peut rester sans revenus, c’est impossible, énonce-t-elle simplement. Notre travail, c’est aussi d’y veiller. » [3] « Bien sûr, on prend des risques, reprend Aurélie. Comme tout se fait par ordinateur, on peut nous pister. S’ils veulent un jour se débarrasser des agents rebelles, c’est facile. Tout est tracé : sur quel dossier on est intervenus, quand, comment... » Claude, Ahmed, Charlotte et Sylvie estiment que l’outil informatique réduit leur liberté. « Plus ça va, plus nos possibilités de "bidouiller" se réduisent, remarque Claude. On est tenus de faire rentrer les gens dans des cases. Et la nouvelle convention va aggraver cela. »

    « Ce qui va se passer c’est "soit tu contrôles, soit tu dégages", estime Aurélie. Ils vont licencier en masse, notre charge de boulot quotidien va augmenter, et les radiations vont augmenter. Ça semble évident. C’est le but en fait : faire diminuer sans cesse le nombre de personnes à indemniser. »

    Nolwenn Weiler

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